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Déclaration de SUD Éducation au Comité Académique de l’Éducation Nationale du 7 décembre 2020 |
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Depuis le dernier C.A.E.N., un terrible évènement est survenu : notre collègue Samuel Paty a été atrocement assassiné le 16 octobre par un intégriste islamiste et nous tenons à exprimer toute notre horreur face cet assassinat et tout notre soutien à sa famille, ses proches, ses collègues, ses élèves actuel-les et passé-es.
Nous exprimons notre rejet le plus clair du fanatisme religieux, en l’occurrence islamiste, et de toute division de la population sur des bases religieuses, ethniques, racistes.
Samuel n'est pas un « martyr de la République ». C'était un enseignant qui exerçait son métier et sa mission de service public : transmettre des savoirs, éduquer à l’esprit critique, œuvrer à l’émancipation de la jeunesse.
Alors que l'enquête est toujours en cours concernant l'enchaînement des faits et que la transparence doit être faite sur d’éventuelles défaillances de l'institution, nous refusons toute récupération de sa mort par le gouvernement. Nous dénonçons les larmes de crocodile à l'égard des enseignants et enseignantes, qui ne servent qu'à mieux les instrumentaliser pour les forcer à l'union sacrée derrière un gouvernement qui casse l'Éducation tous les jours de l'année.
Le ministre de l’Éducation prétend défendre la liberté d'expression, alors que sa « loi pour une école de la confiance » vise à museler la liberté d'expression des personnels, et alors que la même semaine se tenaient à Poitiers les conseils de discipline de quatre collègues suite à leur grève contre les E3C. Il prétend défendre la laïcité, tout en renforçant les financements de l'enseignement privé, en baissant le recrutement des professeur-es dans le public mais pas dans le privé. Il prétend être à nos côtés, alors que Christine Renon n'a pas eu droit aux « honneurs de la République ».
Nous dénonçons l'instrumentalisation de l'assassinat de Samuel Paty pour attiser les divisions racistes, notamment à l'encontre des personnes musulmanes, d'origine tchétchène ou des habitants et habitantes des quartiers populaires, pour justifier des attaques contre notre liberté d'expression, pour accélérer le passage de la loi Avia ou de la loi contre le « séparatisme ». Nous dénonçons le jeu sordide de la part du gouvernement avec la mort de collègues, comme Christine Renon hier et Samuel Paty aujourd’hui. Nous nous opposerons à toute tentative de discrimination selon l'opinion ou de répression contre les personnels, les élèves et leurs familles.
Nous dénonçons la multiplication des injonctions anti-pédagogiques, l’offensive idéologique de Blanquer via son « cadrage national », et l'utilisation de caricatures non comme support pédagogique mais comme arme idéologique. Le rôle de l’Éducation Nationale pour nous est de prévenir activement toute stigmatisation. C'est à nous, personnels de l'Éducation, de décider des formes pédagogiques appropriées.
Ce dont a besoin l'Éducation, ce n'est ni d’un numéro vert, ni d’un recueil de caricatures au CDI, ni de député-es dans les écoles, ni de davantage de policiers ou policières devant nos établissements, ni même de décorations à titre posthume pour notre collègue.
L’Éducation a besoin de moyens à la hauteur de sa mission de service public, de l'arrêt des suppressions de postes et du démantèlement de l'Éducation prioritaire, d'un plan d'investissement d'urgence, d'embauches massives de personnels de toutes catégories (d'enseignement, de vie scolaire (les AED étaient d’ailleurs en grève ce mardi 1er décembre), d’accompagnant-es aux élèves en situation de handicap, d’agent-es techniques territoriaux/ales pour les établissements scolaires, de médecine scolaire et de prévention, d’administration et d’assistance sociale, etc.), et que ces personnels soient respectés, soutenus et protégés pour pouvoir exercer leurs métiers dans des conditions de travail sûres et sereines.
Mais comme si la coupe n’était pas assez pleine, nous avons appris par voie de presse que le ministre de l’éducation Jean-Michel Blanquer, des hauts fonctionnaires proches de lui au Ministère comme dans les Rectorats notamment Jean Michel Huart, auraient été directement impliqués dans la création d’Avenir-lycéen en instrumentalisant des lycéens et lycéennes mineur-es et en portant atteinte aux libertés démocratiques, syndicales et associatives. Ces agissements touchent aux fondements même de la démocratie et des valeurs de la République. Le ministre et le gouvernement ne peuvent, d’un côté, faire de grands discours sur la transparence et l’exemplarité, et dans les faits s’exonérer de ces impératifs.
Nous exigeons donc promptement les suspensions suivantes de leur fonction : celle du ministre Jean- Michel Blanquer et celle du recteur de l'académie de Nancy-Metz, Jean-Michel Huart.
Pour finir, puisque le C.A.E.N. est censé être présidé par monsieur le préfet de la région Normandie, nous tenons à dénoncer toutes les évacuations de squats notamment sur Caen qui ont eu lieu ces derniers mois, et qui ont eu pour conséquence de jeter à la rue des dizaines de familles avec des enfants en bas âge. Ces mises à la rue, aggravées par la crise sanitaire, touchent des gens parmi les plus précaires et les plus démunis. Quoi de plus cruel que de voir nos élèves de la maternelle au lycée venir en classe fatigué·es, affamé·es, inquiet·ètes et tristes, sous les yeux de leurs camarades de classe. En tant que professeur-es mais aussi pères et mères de famille comment pouvons-nous expliquer à nos élèves, à nos enfants, de tels agissements ? L’État et ses représentant·es, dont vous M. le préfet, doivent aussi être là pour épauler les plus fragiles. Ce n’est pas ce que vous nous montrez, pour nous la solidarité fait partie de la démocratie que nous voulons.